EDUCATEUR CANIN, UN MÉTIER DE RÊVE, MAIS PAS QUE !

Je reçois beaucoup d’appels de personnes souhaitant devenir éducateur canin. D’ailleurs, si vous souhaitez en savoir plus sur le parcours pour y parvenir, vous pouvez d’ailleurs lire cet article : Professionnels du monde canin : Comment les choisir ? Comment le devenir ?

Pour une fois, je vais aborder les côtés moins positifs de ce travail. Ça fait rêver d’être au contact d’êtres si intéressants, d’une diversité si grande. Chaque jour est un apprentissage, sur eux et sur nous. Ils ne cessent de nous remettre en question et de nous faire évoluer, mais aussi de recréer le lien perdu avec la nature dans notre société.

Mais ce métier est aussi complexe, prenant, difficile, stressant, épuisant. En réalité je n’aurai jamais imaginé à quel point ma vie changerait en devenant éducatrice canin. Je ne reviendrai en arrière pour rien au monde, je vis un rêve, mais il a un prix, et je ne m’en était pas rendue compte avant. C’est ça que je vais chercher à développer ici.

Ce métier ça n’est pas que des histoires de chiens, c’est aussi des rencontres et des interactions humaines. Il faut savoir communiquer avec les gens, être capable de les comprendre, de prendre en compte tout ce qui a des répercussions sur la famille, d’adopter le bon discours pour être compris et écouté. Il faut s’intéresser aux chiens ET aux humains ! Être un bon pédagogue est impératif, la bienveillance me paraît nécessaire avec les 2 ET 4 pattes.

Educateur canin un métier de rêve mais pas que
Être éducateur canin c'est accompagner un binôme, une famille.

Être éducateur ne signifie absolument pas apprendre à un chien à s’assoir, rattraper un frisbee, mais plutôt à réparer des relations brisées, redonner confiance à des chiens agressifs et leurs humains, apaiser des conflits, ce n’est pas toujours facile. Il faut réfléchir à tellement de choses, être conscient de soit même, ses gestes, ses paroles, celle des autres humain, et des chiens. Il faut être un bon exemple constamment, peu importe le moral, la fatigue, la déconcentration.

Ça c’est surement ce qu’il y a de plus intéressant, c’est ce que j’aime le plus dans ce métier !

Mais c’est aussi source de stress, car parfois on échoue, pour de multiples causes (humaines, canines, environnementales, pédagogiques…). Ça fait toujours mal si on prend son métier à cœur. Parfois aussi il y a des accidents, à cause de nous, l’environnement, la fatigue, le stress, et ça, il faut réussir à s’en remettre, après avoir appris de cette expérience.

Ensuite, vivre de cette passion est extrêmement prenant. On vit chien, souvent trop. Certains (moi) ont du mal à ne pas travailler, à ne pas chercher à tout remettre en question, à ne pas réfléchir tous les soirs à ce qu’on a bien fait ou qu’on pourrait améliorer, à ne pas parler chien h24 (comme pour tous les métiers passions probablement). On peut devenir le genre de personne un peu lourde qui n’a qu’un seul sujet de conversation, qu’un seul intérêt, je l’avoue !

Chaque métier comporte des difficultés.

En plus vous allez sûrement créer votre entreprise, ça n’est pas rien. Si vous n’avez aucune connaissance en communication, en comptabilité, en marketing, même si vous êtes très compétent en comportement canin, vous aurez du mal à vous en sortir. Car de plus en plus de monde s’installe, donc forcément il faut sortir du lot, se faire voir et entendre, se faire recommander, sinon vous ne durerez probablement pas. D’ailleurs certains ne sont pas du tout compétents, et malheureusement fonctionnent très bien uniquement grâce à une bonne capacité à se vendre, mais c’est un autre sujet. A l’inverse, il y a sûrement des personnes compétentes qui ne vivront jamais de ce métier, à cause en partie de ce manque de publicité.

Si vous communiquez beaucoup via internet, vous pourrez être critiqué. Se remettre en question grâce à des conseils bienveillants est une chose, mais ça, il faut savoir être assez fort pour passer outre. On vous demandera aussi régulièrement des conseils gratuits, il faut prendre du temps (qu’on n’a pas) pour y répondre, en essayant de convaincre d’aller voir un professionnel pour être aidé. Il vous faudra rester bienveillant quant aux conseils que vous donnez, même si on vous a posé à de multiples reprise la même question, même s’il y a eu les mêmes réponses négatives, même si des personnes transmettent des messages nocifs à beaucoup de monde, sans avoir de connaissance en comportement canin ou en éthologie. Oui, sur internet tout le monde donne son avis, tout le monde donne des conseils parfois très dangereux, beaucoup les suivent. Ne pas partir en guerre ou être en colère est parfois très difficile, et malheureusement il est difficile de se contenir et de ne pas essayer de changer le monde, même si on sait pertinement qu’on ne sera pas écouté, et que ça ne changera rien.

Par ailleurs, la vie personnelle est mise à mal. On se lève, on s’occupe de nos chiens, on part donner des cours, on rentre, on répond aux messages, on mets en place nos futurs projets, on fait de la comptabilité, on fait une commande pour les chiens ou nos clients, on fait une publication sur Facebook et Instagram, on corrige un détail sur son site, on s’occupe de son terrain… Et encore, si à ça on ajoute une pension, ben on n’a pas vraiment de week-end et de jour off n’est ce pas Maxime ? Il n’y a pas de congés pendant les vacances scolaires et les ponts, pas de fête de fin d’année en famille parce que ce sont les périodes les plus chargées, on n’est pas libre de se déplacer toute la journée en laissant les chiens seuls, on travaille 24h/24, 7j/7, et on ne passe pas toujours de bonnes nuits. Sincèrement, je n’imagine même pas avoir des enfants dans tout ça, bravo à ceux qui en plus ont une famille à s’occuper !

En étant éducateur nos chiens travaillent souvent avec nous

Quant à nos chiens, ils subissent bien plus d’épreuves que les chiens de compagnie habituels. S’ils sont sensibles, ils ne s’en remettent pas, et développent des troubles du comportement ou des problèmes de santé. Nous devons être plus qu’attentif à eux, et les protéger, ce qui n’est pas toujours facile. Encore plus quand nous accueillons tous les jours des chiens chez nous ! Les chiens d’éducateurs deviennent souvent blasés, éteins, réactifs, ou agressifs. C’est pour ça que je préserve mes chiens, et ne les mets pas constamment avec plein de chiens d’ailleurs, leurs jours off sont désormais supérieur aux jours avec les chiens de mes clients.

Voilà, je vous ai peut être fait peur, peut être pas. Tous les professionnels du chien ne se retrouveront peut être pas à travers ce résumé. J’aime mon métier, jamais je n’aurai pu rêver mieux, je n’ai même pas l’impression de travailler. Mais j’ai conscience que ce métier n’est pas fait pour tout le monde, et que s’installent et ne durent pas, ne sont pas prêts. Et j’ai aussi conscience que j’en fais trop et qu’un jour je devrais ralentir.

Si vous êtes passionné, un peu fou même, que vous n’avez pas peur de prendre des risques et de ne pas forcément bien gagner votre vie… mais que vous voulez vivre chien, être heureux et fatigué, avoir une condition physique incroyable (car on en en fait des kilomètres de balade!), que vous pouvez affronter un niveau de stress élevé, que vous avez de bonnes compétences sociales, entrepreneuriales, et une volonté d’apprendre, foncez. Mais réfléchissez y intensément, car cette aventure n’est pas faite pour tout le monde, et qu’il ne suffit pas « d’aimer les chiens ». Et surtout formez vous et informez vous, toute la vie ! Avoir un certificat de capacité passé en quelques jours, (même si légalement cela peut suffire à vous installer), ou une formation à distance, ne fera pas de vous un bon éducateur canin, capable d’aider des chiens et humains, avoir une entreprise viable, une vie reposante et facile ! Même si le brevet professionnel d’éducateur canin nous y prépare mieux (et encore pas dans toutes les écoles), ça ne sera pas facile non plus ! Beaucoup sont diplômés, certains s’installent mais pas tous, et encore moins finissent par en vivre, il faut être prêt à des sacrifices.