De la peur à la confiance

Il y a des chiens plus méfiants que d’autres, Jounka a fait parti des trop. Ses peurs lui gâchaient la vie, aussi incompréhensibles soient-elles pour moi, pour elle tout était bien réel. Elle avait peur en ville, des ponts, des inconnus, du vide… Et de tellement d’autres choses. Son mal être était tel qu’affronter ses peurs était impossible. Elle pouvait se tétaniser, courir pour fuir comme si un vélo simplement posé sur un mur pouvait l’attaquer, comme si sa survie en dépendait. Si un panneau de signalisation de travaux était posé dans la rue alors que ça n’était pas le cas d’habitude, cela suffisait à ce qu’elle aboie à ne plus s’arrêter tant qu’il était à vue. Si un drapeau flottait dans l’air au dessus de nos têtes, une enseigne bougeait, ou un panneau publicitaire changeait d’affiche en faisant du bruit, et le regardait avec un air terrifié, fixement, tout en cherchant à s’en écarter le plus vite possible. Si on ajoute les motos qui passaient à vive allure alors que nous étions sur le trottoir, je crois qu’elle ne pouvait jamais se sentir à l’abris, saine et sauve, en sécurité.

Enfin c’est du passé ! Bien sûr il arrive encore qu’elle ne soit pas très à l’aise, je ne vais pas non plus lui demander de devenir un autre chien. Mais aujourd’hui on peut traverser un pont, voir de nouvelles personnes, aller en ville sans que ce soit un calvaire pour elle. Aujourd’hui, si elle a peur, elle passera très vite à autre chose et ne gardera pas cette émotion toute la journée, à condition que je gère bien les choses cela dit.

Comment on a réussi ? Grâce à la confiance, pas à un clicker, des friandises, un collier électrique… J’ai tout refait avec elle, plus progressivement. J’ai arrêté l’immersion. Je ne l’ai plus forcée mais je l’ai accompagnée. Je lui ai proposé d’avancer à son rythme, en acceptant qu’il y ait des moments trop durs pour elle. Je lui ai réappris à éviter, à mieux gérer ses émotions. J’ai surtout arrêté de la « forcer » à aller voir, même si c’était positivement, car c’était une obligation qu’elle n’arrivait pas à gérer. Je l’ai laissé prendre des décisions, je lui ai demandé plutôt qu’exiger. Je ne l’ai pas conditionnée, je l’ai laissé être et réfléchir. J’ai accepté le fait qu’elle aboie, que ce soit trop dur pour elle. J’ai changé pour qu’elle change. Il fallait à tout pris qu’elle me refasse confiance, car elle se mettait en danger en ne cherchant pas à me demander de l’aide, à s’appuyer sur moi. Je ne l’avais jamais vraiment aidée avant même si j’en avais envie, enfin pas comme elle en avait besoin.

Et par dessus tout j’ai été patiente. L’éducation et la rééducation c’est pas un truc qui prend 5 minutes, où les résultats apparaissent tout de suite. C’est pas dire assis pour tout et n’importe quoi, parce que « ça marche ». C’est un mode de vie, de communication, qui change un chien et son humain. Avec Jounka ça fait plus d’un an qu’on a commencé à apprendre à nous comprendre, et on continue encore chaque jour. 

Toute sa vie, je ne cesserais de l'éduquer. Ou plutôt l'inverse en fait : elle ne cessera de m'éduquer.