A travers le vécu de ma chienne Jounka, je souhaite vous expliquer pourquoi l’éducation canine me parait indispensable. Nos premières années ensembles, ont été éprouvantes, tant pour elle que pour moi, bien avant de devenir éducatrice canin. D’ailleurs c’est elle qui m’a mené à cette voix, et je la remercie tous les jours de m’avoir obligée à me former, me faire réfléchir, et me remettre en question ! En vous transmettant mon expérience avec elle, j’espère pouvoir vous éviter de commettre des erreurs qui rendent la vie bien plus difficile, avec et pour un chien.
CoMMENçons par l'adoption de jounka
Lorsque je l’ai adoptée, je me suis dit « j’ai toujours vécu avec des chiens, ça n’a rien de si difficile ! ». J’avais vécu avec un chien dans mon enfance. Il n’avait aucun comportement gênant, en dehors d’une tendance accrue à prendre le pain sur la table. Pas vraiment de quoi me préparer à avoir un chien difficile, surtout que je ne l’avais pas éduqué. Je n’avais jamais vraiment cherché à comprendre son comportement, même si j’y étais particulièrement attachée.
Je pensais que les chiens étaient à peu près tous pareils, mais je me suis renseignée sur sa race. La description de l’Akita (réservé, évite les gens qu’il ne connait pas, indépendant…) ne m’a pas alerté. Il faudrait « traduire » : expliquer les conséquences d’un tel caractère. L’éleveuse m’a quand même prévenue, mais la décision était prise, j’étais aveuglée par l’émotion et par cette boule de poil. De plus, l’éleveuse m’a transmis des conseils d’un autre temps (retourner son chien pour le soumettre, par exemple), et néophyte que j’étais je l’ai suivie (peu heureusement, mais le mal était fait). L’adoption d’un chien est loin d’être un acte anodin, il doit être réfléchi. Choisir un chien ça n’est pas seulement choisir une bouille toute mignonne. Il faut prendre en compte son caractère probable, dû à la sélection génétique pratiquée depuis longtemps sur l’espèce canine, et à ce que ses parents peuvent lui transmettre. Il faut aussi tenir compte des expériences qu’il a eues, à son élevage par exemple. Enfin, il faut tenir compte de notre temps, de notre environnement, et de nos capacités. Je doute que beaucoup aient supporté tout ce qu’on a traversé sans penser à l’abandon ou l’euthanasie. On ne prend pas n’importe quel chien, dans n’importe quel élevage, sans voir les parents et les conditions de vie, sans réfléchir aux conséquences de tout ceci. Vous l’aurez compris, hors de question de le prendre dans un salon ou dans une animalerie, et encore moins à un élevage non consciencieux.
Passons à son (manque d') éducation
J’avais entendu parler d’éducation canine, et je ne voyais pas l’intérêt d’apprendre des ordres à ma chienne. J’avais très bien réussi à lui apprendre quelques tours toute seule ! Et puis l’éleveuse m’avait donné quelques conseils coercitifs, ne pas lâcher, un Akita c’est pas sociable, que tu bien quoi (pas du tout…). Au début tout allait bien, Jounka me faisait beaucoup rire, perdant patience lorsque je sortais les friandises pour la faire s’asseoir, tourner, aboyer… Elle avait l’air d’être joyeuse. En fait elle avait beaucoup de mal à se contrôler, et je lui faisais vivre une forme de stress due à une excitation importante. Je lui apprenais à s’énerver, en récompensant cette excitation, et ce sans m’en rendre compte. En plus elle était gâtée, elle avait des balles et jouets qui couinent en tout genre, tout ce qu’il faut pour qu’elle soit encore plus excitée, et qu’elle apprenne que faire couiner (avec les fameux jouets pouic pouic) c’était marrant. Sauf que plus tard, quand elle fit couiner des chiens sans s’arrêter, à mettre en danger leur vie, à les secouer, ce fut loin d’être marrant.
J’ai essayé de la sortir en liberté, mais dès qu’elle voyait quelque chose d’intéressant, elle partait, parce qu’on n’avait pas créé de lien assez important, ni renforcé son suivi naturel. Si jamais on tentait de la rappeler, elle ne revenait que rarement, parce qu’on le faisait mal sans le savoir. Elle passait sa vie avec une laisse, parce que j’avais peur de la perdre. Elle rencontrait plein de chiens avec toute la tension de cette laisse (sa queue baissée traduisait ce malaise), parce que nous ignorions tout du langage canin. Nous ne choisissions pas ses rencontres, on prenait tous les chiens s’il avaient l’air gentil, mais en fait elle s’est faite harceler par des goldens, agresser même parfois, un bouvier bernois a passé son temps à vouloir la chevaucher pendant une soirée chez des amis. En plus elle était mignonne, alors elle subissait aussi des caresses d’inconnus dont elle avait peur, et je laissais faire. Je forçais même parfois quand elle n’avait pas envie, je ne m’en rendais pas compte. Elle n’avait pas confiance en elle, en nous, en l’autre, déjà à quelques semaines après son arrivée.
Logiquement, des problèmes de comportement arrivèrent
Rapidement, elle a voulu tuer tous les chiens qu’elle rencontrait, elle a eu peur de tous les inconnus qu’elle croisait, elle aboyait dessus et sur tous les gens qui rentraient chez nous pendant des heures. Elle ne pouvait pas rester seule, à tel point qu’elle pouvait se blesser pour me retrouver comme le montre cette porte. Le partage avec d’autres chiens était une épreuve, pour les autres chiens surtout, même si elle les avait toujours connus. Après en avoir secoué deux, qui par chance n’ont eu aucune séquelle, on a tout évité. La ville était aussi une expérience traumatisante, elle ne gérait rien. Elle était très souvent mal à l’aise, stressée.
Donc on a tout recommencé depuis le début !
Ça n’est qu’une fois tous ces comportements gênants installés que je me suis remise en question. J’ai cherché des solutions. J’ai trouvé plein de conseils pour remédier à ces problèmes. Mais je ne savais pas lesquels écouter. Tout était intéressant, ça m’a rapidement passionné. Aujourd’hui, je comprends qu’il ne fallait pas que je cherche des solutions, mais que j’apprenne à comprendre pourquoi elle réagissait ainsi, avant de vouloir résoudre les problèmes.
Sa rééducation a pris beaucoup de temps. Nous avons tout oublié et tout réappris ensemble, pendant notre année de formation, et aussi énormément après. Cela a été parfois dur pour nous deux. Je lui demandais beaucoup : ne plus s’énerver autant, être tempérée, communiquer, alors qu’elle ne l’avait jamais vraiment fait.
J’ai tout assumé, car je l’avais choisie, et qu’elle faisait partie de ma vie. Mais il n’est pas toujours possible d’en faire autant. Un chien change nos vies, et parfois en mal. Même si nous continuons à l’aimer, nous pouvons être face à des difficultés que nous n’arrivons pas à surmonter. Heureusement nous pouvons nous faire aider.
Voilà pourquoi il faut éduquer pour ne pas avoir à rééduquer
L’éducation dès le plus jeune âge c’est primordial, pour prévenir pour ne pas avoir à guérir. Pour aider son chien à se sentir bien, à être à l’aise. Pour communiquer avec lui de manière adaptée, et qu’il nous comprenne. Pour créer un lien sain, pour qu’il soit bien avec et sans nous. Pour répondre à ses besoins de réflexion, de balades, de rencontres, de nouveauté, d’odeurs. Pour éviter de créer des problèmes si importants qu’ils génèrent un stress énorme. Pour ne pas y consacrer toute son énergie et son temps (en plus de celui nécessaire à un chien habituellement). Et pour que nous prenions les bonnes habitudes dès le début !
Evidemment, la rééducation existe, peu importe la race, on peut toujours travailler sur les problèmes de comportement. J’ai dû accepter ce qu’est ma chienne : le fruit de sa génétique, de son caractère, de ses expériences et de mes réactions ! Donc Jounka va loin en balade, mais elle fait attention à moi, et elle me retrouve toujours. Il lui arrive de pister des odeurs de chasse, courir après un chevreuil ou un lapin, mais elle ne tue rien. Il a fallu que j’apprenne à moins m’inquiéter, que je me dise que le rappel n’était pas une chose facile pour elle vu que je l’avais bousillé étant jeune. Pour ses aboiements, c’est de l’histoire ancienne. Elle va esquiver les caresses sur la tête, ou aboyer 2 ou 3 fois si les gens n’ont pas compris, mais elle vient aussi réclamer beaucoup d’attention à mes clients, enfants et adultes. Elle arrive à rencontrer des chiens, et leur dire ce qui ne lui plait pas sans s’énerver. Elle joue avec des chiens même, et leur apprend le calme, les signaux d’apaisement, la politesse canine selon son point de vue. Elle arrive à partager des friandises, mais il ne faut quand même pas que l’autre chien soit trop entreprenant car elle saura lui dire en grognant (ce qui est normal, si je mange du chocolat je peux faire pareil d’ailleurs !). Elle n’est pas toujours constante. Elle demande beaucoup d’ajustements et de temps, et beaucoup d’études de ses signaux de ma part. Je l’accompagne et ne la force plus, je la guide et ne la contraint plus.
Vous l’aurez compris, l’éducation c’est plus facile, pour le chien et pour vous. La rééducation c’est incroyablement enrichissant, mais ça prend beaucoup de temps et d’énergie. Il faut de la patience, ne pas avoir peur de se remettre en question, et changer ses habitudes. Si vous pensez prendre un chien, prévoyez un budget éducation, n’attendez pas que les problèmes apparaissent ! Contactez un éducateur avant même de le choisir, il pourra vous aider en vous conseiller pour mieux le sélectionner.
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